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Conservation du dossier médical : documents originaux ou sous forme électronique ?

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Tout médecin doit tenir un dossier complet pour chaque patient (art. 52, al. 1 LS (1). Ce dossier doit comprendre l’ensemble des pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS).
Le médecin peut également tenir le dossier du patient sous une forme informatisée en lieu et place du dossier papier, pour autant que toute adjonction, suppression ou autre modification reste décelable et que l’on puisse identifier son auteur et sa date (art. 54 LS). Le patient a quant à lui accès à l’ensemble de son dossier sous forme papier ou électronique, peut le consulter et en obtenir copie (art. 55, al. 1 LS). Ce droit d’accès ne s’étend toutefois pas aux informations concernant d’autres personnes et couvertes par le secret professionnel, ni aux notes personnelles du médecin (art. 55, al. 2 LS).
Le médecin est tenu de conserver le dossier médical pendant au moins dix ans suivant la dernière consultation du patient, mais au maximum vingt ans, à moins qu’un intérêt prépondérant pour la santé du patient ou pour la santé publique ne s’y oppose (art. 57, al. 1 et 2 LS). Il faut voir dans cette réglementation un souci d’équilibre entre, d’une part, la nécessité de disposer des informations médicales relatives au patient pendant le temps nécessaire à sa prise en charge et, d’autre part, le principe de proportionnalité régissant le droit de la protection des données. L’obligation légale de conserver le dossier pendant dix ans correspond d’ailleurs au délai de prescription absolu des actions civiles, pénales et administratives auxquelles le médecin est potentiellement exposé (2).
Lorsque le médecin cesse son activité, il en informe ses patients. A leur demande, il leur remet leur dossier ou le transmet au professionnel de la santé qu’ils ont désigné. Sans réponse de leur part, le médecin remet le dossier à son successeur uniquement pour archivage, sans que ce dernier n’y ait accès (art. 58, al. 1 et 4 LS). A défaut de successeur, les dossiers médicaux sont soigneusement archivés par le médecin ou remis à l’AMG. Le médecin informe la Direction générale de la santé du sort des dossiers (art. 58, al. 1 LS).
L’obligation du médecin de conserver le dossier médical sert en premier lieu l’intérêt du patient à disposer des données médicales le concernant et à pouvoir changer de médecin sans risquer une perte d’information. La conservation du dossier peut également servir l’intérêt du médecin en cas de conflit avec le patient concernant le traitement prodigué et/ou le suivi médical. En effet, les pièces du dossier médical constituent souvent des moyens de preuve utiles à la défense du médecin, que ce soit à propos du respect des règles de l’art médical, du consentement éclairé du patient ou de la levée du secret médical.
En cas de conflit en matière de responsabilité médicale entre le médecin et le patient, il appartient au lésé – le patient – d’établir la violation des règles de l’art médical par le médecin (3). Lorsque ce dernier a mené le traitement selon les règles de l’art médical et que son dossier est bien tenu, le patient ne sera pas en mesure de prouver son fait. Le dossier est alors un allié précieux du médecin. Lorsque le conflit porte sur l’existence du consentement éclairé (art. 46, al. 1 LS) ou de la levée du secret médical par le patient (art. 88, al. 1 LS), il appartient au médecin de prouver qu’il a renseigné son patient et obtenu son consentement éclairé, respectivement que le patient l’a délié de son secret médical. Il est donc important que le médecin mentionne ces faits justificatifs dans le dossier médical. Selon les circonstances, en particulier en cas de difficultés pressenties ou prévisibles, il est approprié d’obtenir un document signé de la main du patient confirmant son consentement au traitement ou la levée du secret, qui sera ensuite intégré au dossier médical.
Une copie du dossier, du consentement éclairé ou de la levée du secret médical est généralement considérée suffisante à établir un fait, que la copie soit sous forme papier ou électronique. La production de la copie d’un document comme moyen de preuve est en effet admise en droit de procédure (art. 180, al. 1, 1ère phrase CPC). Le juge ou la partie adverse sont toutefois habilités à exiger la production de l’original ou d’une copie certifiée conforme, s’il y a des raisons fondées de douter de l’authenticité du document (art. 180, al. 1, 2e phrase CPC). Dans cette hypothèse, le médecin qui n’aurait conservé qu’une copie papier ou électronique du document pertinent pourrait ne pas être en mesure d’établir l’authenticité du document produit, ce qui pourrait jouer contre lui au moment de l’appréciation des preuves. En considération de ce qui précède, les médecins sont encouragés à conserver pendant au moins dix ans les originaux des dossiers médicaux (s’ils existent sous forme papier), des formulaires de consentement éclairé ou de levée du secret médical.
Prof. Philippe Ducor, Avocat-conseil de l’AMG
(1) Loi genevoise sur la santé (LS) [RS/GE K 1 03].
(2) Art. 60 et 127 CO art. 97, al. 1, let. c CP art. 46,al. 3 LPMéd..
(3) ATF 108 Ib 411 Arrêt du TF du 9 février 2007 4C.366/2006.