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Ebola ou la (re)découverte de la peur de l’autre

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Cela fait sept mois que l’épidémie d’Ebola frappe l’Afrique de l’Ouest. Elle touche actuellement cinq pays. Le cap officiel des 3000 morts liés à l’épidémie a été récemment franchi. Ce chiffre – très certainement sousévalué – est très inquiétant quand on connaît la virulence de cet agent infectieux et les prévisions alarmantes.
Ce chiffre, à l’origine de la psychose «Ebola», est toutefois à mettre en perspective quand on pense au tremblement de terre de Haïti qui a tué approximativement 250 000 personnes en 60 secondes sur une région.
Cette crise sanitaire donne à réfléchir sur ses conséquences directes et indirectes, mais interroge également sur ses causes. La fragilité du système de santé dans les pays concernés a été en grande partie à l’origine de cette explosion épidémique. Le manque de personnel qualifié et d’infrastructures appropriées, les conditions économiques, les coutumes locales et les rites funéraires restent d’autres facteurs aggravants.
Les pays touchés, déjà particulièrement fragiles, sont au bord de l’asphyxie. Leur mise au ban de la société se traduit par la suspension du trafic aérien de la majorité des compagnies. Il engendre également des difficultés voire l’impossibilité d’approvisionnement : les marchés locaux sont très peu fournis, les prix flambent… bref une spirale infernale qui ne fait qu’appauvrir les plus démunis et rendre encore plus vulnérables les plus faibles.
Tant qu’il n’y aura pas de vaccin ou d’espoir d’un traitement efficace, la seule arme contre cette maladie reste l’isolement à l’échelle du village, de l’hôpital, de l’Etat ou de la planète. Comment peut-on garder notre âme de soignant et nos valeurs humaines dans ce contexte? C’est à la recherche de cette réponse que j’ai voulu questionner le Dr Olivier Hagon, chef du groupe spécialisé Médecine du Corps suisse d’aide humanitaire (CSA), médecin membre de la DDC (Direction du développement et de la coopération) qui revient d’une mission au Liberia.
Alain Lironi
Les habitants viennent-ils encore spontanément à l’hôpital et ont-ils encore confiance dans le système de santé ?
Dr Olivier Hagon : Comme la population, les professionnels de santé sont terrorisés par la situation. Le système de santé était déjà défaillant, mais avait le mérite d’exister. A l’heure actuelle, les hôpitaux sont vides de malades mais également en grande partie de personnel, ce qui est affligeant quand on connaît la situation antérieure avec 3 à 4 malades par lit !
Les raisons qui expliquent l’absence de système de santé sont multiples. La population a perdu confiance et n’ose plus se rendre dans les centres de santé par peur d’être contaminée. Les professionnels de la santé expriment la même crainte. La mobilisation d’une partie des ressources humaines par les Centres de traitement Ebola (ETC) diminue aussi de manière significative le personnel médical et infirmier disponible.
Quelle est la réaction des soignants locaux qui sont déjà largement victimes de cette épidémie ?
Dr Olivier Hagon
: Rappelons tout d’abord que ces pays sont parmi les plus pauvres de la planète et que la population essaie au mieux de survivre. Le personnel soignant, de même que la population, vivent dans la peur ! Les soignants locaux tentent par tous les moyens de subvenir à leurs besoins, à ceux de leur famille.
Certains fuient, d’autres font acte de présence dans des hôpitaux vides. Toutefois, lorsqu’une organisation internationale s’installe, elle génère de la confiance et elle fournit du travail rémunérateur.
Seul MSF semble actif sur le terrain, quelles sont les raisons de l’absence des autres ONG ?
Dr Olivier Hagon
: Il est certain que travailler pour lutter contre une maladie qui tue jusqu’à 90% des patients et pour laquelle on n’a pas de traitement n’est pas très attractif. Ce type d’épidémie demande une compétence spécifique que très peu d’organisations possèdent. Fort de son expérience, Médecins Sans Frontières (MSF) fait un travail remarquable sur le terrain. La rigueur et la discipline de leur travail mais aussi la gestion d’un stress toujours perceptible font que j’ai un profond sentiment d’admiration pour ces travailleurs humanitaires qui sont au contact des patients.
Que penses-tu des mesures de confinement ordonnées en Sierra Leone ?
Dr Olivier Hagon
: Le mode de transmission se fait par les liquides biologiques. Cette approche de confinement augmente la concentration des personnes dans des espaces restreints.
Ces mesures peuvent avoir comme objectifs : de mieux informer la population, de mieux recenser les patients, ou encore de mieux évaluer l’étendue de l’épidémie. L’efficacité de telles mesures reste toutefois à évaluer.
Pour avoir une vision claire, on ne peut que vous conseiller le visionnement de l’émission 36.9° du jeudi 17 septembre de la Radio Télévision Suisse.(1)
Propos recueillis par le Dr Alain Lironi
(1) http://www.rts.ch/emissions/36-9/6073356-ebola-autopsie-d-un-virus.html