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Un certificat médical produit par un employé est-il toujours pris en compte par les juges ?

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Lu dans Entreprise romande (édition du 20 janvier 2012, page 12), cet article de Juliette Jaccard, membre du Service d’assistance juridique et conseils (SAJEC) à la Fédération des entreprises romandes (FER) intéressera les médecins qui nous demandent souvent quelle valeur probante il faut attacher aux certificats médicaux. (réd)

Il arrive parfois qu’un employé présente à son employeur un certificat médical pour attester une incapacité de travail le jour de son licenciement ou un prétendu mobbing.

Les juges tiennent-ils toujours compte de ces certificats médicaux ?
Après avoir rappelé les principes juridiques applicables (I), nous présenterons quelques récents jugements en la matière (II).

I. Rappel des principes juridiques
Selon la règle générale sur le fardeau de la preuve de l’article 8 du Code civil (CC)1, c’est au travailleur qu’il incombe de prouver qu’il est en incapacité de travailler pour cause de maladie. La preuve est en général fournie par un certificat médical2.

Amené à devoir se prononcer sur la force probante des certificats médicaux, le Tribunal fédéral a rappelé que le certificat médical ne constitue toutefois pas un moyen de preuve absolu. En effet, l’employeur peut mettre en cause sa validité en invoquant d’autres moyens de preuve. Inversement, le salarié a la faculté d’apporter la démonstration de son incapacité par d’autres biais3.

Selon le Tribunal fédéral, le comportement du salarié peut être pris en compte pour infirmer une attestation médicale. On cite souvent l’exemple du travailleur qui répare un toit alors qu’il souffre d’une incapacité de travail totale en raison de douleurs à un genou.

Les circonstances à la suite desquelles l’incapacité de travail a été alléguée sont également importantes. A cet égard, le Tribunal fédéral donne les exemples suivants :

• un empêchement consécutif à un congédiement ou au refus d’accorder des vacances au moment désiré par le salarié;
• des absences répétées;
• la production de certificats émanant de permanences ou de médecins reconnus pour leur complaisance;
• la présentation d’attestations contradictoires;
• des attestations faisant uniquement état des plaintes du travailleur ou établies plusieurs mois après le début des symptômes4.

Si la force probante d’un certificat médical n’est ainsi pas absolue, la mise en doute de sa véracité suppose néanmoins des raisons sérieuses5.

II. Tour d’horizon de la récente jurisprudence

1. Démission avec effet immédiat injustifiée
Le Dr. Z., spécialiste en médecine générale et médecine du sport, a établi un certificat médical libellé comme suit : «Je soussigné certifie que la poursuite de son travail chez B. SA constituerait un danger pour la santé de Madame X. En revanche, elle est apte à travailler à 100% ailleurs. De ce fait, elle doit arrêter son travail dès le 4 novembre 2009 – et ceci définitivement ».

Le 4 novembre 2009, l’employée a alors présenté sa démission avec effet immédiat en produisant le certificat médical précité.

Amené à devoir se prononcer sur le caractère justifié ou non de cette démission avec effet immédiat, le Tribunal fédéral a indiqué ceci6: «Il est de règle qu’en cas d’empêchement de travailler pour cause de maladie ou d’accident, le travailleur apporte une preuve en principe suffisante de cet empêchement en remettant un certificat médical à l’employeur. En revanche, la déclaration d’un médecin est inapte à établir l’existence d’un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail, et il appartient exclusivement au juge d’effectuer l’appréciation nécessaire d’après la loi. Le certificat du docteur Z. n’est pas concluant ». En conclusion, le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation abrupte du contrat de travail par la travailleuse était injustifiée.

2. Licenciement valable même si l’employé a produit un certificat médical le jour du licenciement
Le 24 octobre 2008 en début d’après-midi, un employeur a présenté une lettre de licenciement à un employé qui se trouvait dans les locaux de l’entreprise pour l’accomplissement de son travail. L’employé refuse toutefois de recevoir la lettre de licenciement et quitte les locaux. Il consulte alors un médecin, lequel lui délivre un certificat médical attestant une incapacité de travail dès le 24 octobre 2008. Or l’employé avait accompli son travail normalement le 24 octobre 2008, sans présenter aucun signe de maladie jusqu’à son licenciement. Il ne s’était plaint de malaise qu’après et il s’était rendu chez son médecin par ses propres moyens. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral a considéré que, même si le médecin consulté a attesté une incapacité de travail dès le 24 octobre 2008, la résiliation était valable7.

3. Mobbing non retenu malgré la production de certificats médicaux
Dans une affaire jugée par le Tribunal des prud’hommes de Genève en 2011, un employé, s’estimant avoir été victime de mobbing, réclamait CHF 7000.- à son employeur à titre de tort moral. Le Tribunal des prud’hommes de Genève a rejeté la demande en l’employé. Il a considéré que le certificat médical versé à la procédure par l’employé n’était pas apte à établir qu’il aurait été victime de harcèlement. Le Tribunal a notamment retenu que le médecin précisait que la situation de mobbing lui avait été rapportée par l’employé et qu’il ne l’avait pas constatée de ses propres yeux. De plus, l’employé ne s’était jamais plaint de mobbing durant les rapports de travail8. Dans un arrêt du Tribunal fédéral de 20109, une employée réclamait à l’un de ses deux employeurs un montant de CHF 200 000.-. Elle faisait valoir que son invalidité et son incapacité de travailler provenaient du mobbing et du licenciement dont elle avait été victime de la part de son employeur. En cours de procès, un expert judiciaire en la personne du Dr. F., spécialiste FMH en médecine interne, a été désigné. Dans son rapport, l’expert a conclu que l’invalidité de l’employée était due à l’apparition d’un état dépressif, conséquence d’un processus de harcèlement psychologique subi de la part de ses deux employeurs. Un rapport d’expertise complémentaire a été déposé ultérieurement, dans lequel l’expert a confirmé que c’était bien la détérioration des relations de travail et le harcèlement psychologique qui seraient la cause de la dépression grave de l’employée. La Cour cantonale vaudoise a rejeté la demande en dommages-intérêts faite par l’employée. Elle a considéré que les comportements répétitifs de l’employeur qui ressortaient de l’expertise pourraient, s’ils avaient été établis, être constitutifs de mobbing, mais qu’ils n’avaient pas à être pris en compte, car ils résultaient des seules déclarations de l’employée, qui n’avait jamais été alléguées ni prouvées. La Cour cantonale est arrivée à cette conclusion en appréciant globalement les preuves, notamment en confrontant le contenu de l’expertise aux témoignages recueillis lors de l’instruction. Le Tribunal fédéral a confirmé ce jugement, selon lequel l’employée n’a pas prouvé avoir été victime de mobbing.

Enfin, dans un jugement du Tribunal des prud’hommes de Genève de 2009, une employée, alléguant un prétendu mobbing, réclamait CHF 20 000.- à son employeur à titre de tort moral. A l’appui de sa demande, l’employée a produit un certificat médical attestant une surcharge psychologique en relation avec son travail. Malgré la production de ce certificat médical, le Tribunal des prud’hommes a considéré que l’existence d’un harcèlement psychologique n’avait pas été démontrée. Les juges ont relevé que le médecin traitant de l’employée avait indiqué dans un courrier, sollicité par l’ancien conseil de l’employée, que l’arrêt était dû à une surcharge psychologique en relation avec son travail, laquelle avait abouti à un burnout. Or, selon eux, il est impossible de se baser sur ce seul document pour retenir l’existence d’un mobbing. Premièrement, ledit médecin ne disposait que des déclarations de sa patiente, qu’il était en quelque sorte obligé de croire, sans pouvoir se faire une opinion objective des circonstances existantes au sein de l’entreprise. Deuxièmement, les enquêtes ont fait apparaître que l’employée avait également quelques soucis d’ordre familial, ce qui a pu également jouer un rôle sur l’état de santé de celle-ci. Enfin, il ressort des témoignages que le travail n’était pas facile et que l’ambiance générale était quelque peu tendue, ce qui a également pu avoir potentiellement des conséquences sur l’état de santé de l’employée, sans que cela ne puisse être qualifié de mobbing10.

III.Conclusion

Ces décisions récentes illustrent bien le fait que le certificat médical ne constitue pas un moyen de preuve absolu et que, selon les circonstances du cas concret, les juges ne tiennent pas compte de certains certificats médicaux produits par les employés.
Juliette Jaccard

1 Art. 8 CC : « Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit ».
2 Arrêt du Tribunal cantonal de St-Gall, IIe cour de droit civil, 15 décembre 2009 (BZ.2008.64-K3) résumé in Employeur Suisse, 18/2010, pp. 44 et ss.
3 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_64/2008 du 14 avril 2008 consid. 3.4 et les références citées
4 Ibidem
5 Ibidem
6 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_252/2001 du 22.08.2011 consid. 4.3
7 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_89/2011 du 27 avril 2011. A ce sujet voir aussi l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_64/2008 du 14 avril 2008 dans lequel un employé a produit des certificats qui ont été établis plusieurs semaines après le début de la maladie et qui plus est postérieurement à la réception du congé. Pour le Tribunal fédéral, ces circonstances, ajoutées au comportement et aux déclarations contradictoires de l’employé, légitimaient le Tribunal de première instance à relativiser la force probante des certificats médicaux fournis.
8 Jugement du Tribunal du prud’hommes de Genève du 21.04.2011, C/18358/2010 1 p. 14. A ce sujet, voir aussi l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_32/2010 du 17.05.2010, dans lequel une employée n’est pas parvenue à prouver le lien de causalité entre le conflit vécu sur le lieu de travail et le trouble dépressif diagnostiqué par le Dr. B.
9 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_245/2009 du 06.04.2010
10 Jugement du Tribunal des prud’hommes de Genève du 19.10.2009 C/27723/2008 1, p. 22.